Hollywood roule-t-il pour les démocrates ?

Une polémique née à la suite de la sortie prévue d'un film sur la mort d'Oussama ben Laden à la veille de la présidentielle américaine relance la question de la neutralité politique de l'industrie cinématographique américaine.

Les stars du cinéma américain sont-elles en campagne pour Barack Obama en vue de la présidentielle du 6 novembre prochain ? Initialement annoncée pour la veille du scrutin, la sortie du dernier film de Kathryn Bigelow sur l’élimination d’Oussama ben Laden – qui reste comme l’un des plus retentissants succès de la présidence Obama sur la scène internationale  le 1er mai 2011, n’a pas manqué de donner du grain à moudre aux républicains.
Toujours prompts à dénoncer, en période électorale, de prétendues connivences entre l’industrie cinématographique et le Parti démocrate, ces derniers ont effectivement vu le télescopage des deux événements d’un très mauvais œil. Accusant la Maison Blanche de manipulation et de récupération politique, les conservateurs sont allés jusqu’à laisser entendre que l’administration sortante avait mis des documents confidentiels à la disposition de la réalisatrice et du scénariste du film.

"C’est un triomphe américain, héroïque et non partisan, et rien ne permet de suggérer que notre film racontera cette grande histoire autrement", s’est défendue celle-ci. Il n’empêche : face à la polémique naissante, Sony, qui produit le long-métrage, a préféré reporter au 19 décembre le lancement sur grand écran de l’histoire, revue et corrigée à la sauce hollywoodienne, du raid victorieux des forces spéciales américaines contre le chef d’Al-Qaïda.

Les présidents démocrates, amis des stars

Simple coïncidence ou non, l'événement remet toutefois sur le devant de la scène la sempiternelle question de la neutralité politique de "l'usine à rêve" de Los Angeles. Et, en la matière, force est de constater que, depuis les années 1930, Hollywood en pince pour le Parti démocrate. Si ses grandes figures comptent parmi les principaux soutiens financiers du mouvement - en mai dernier, l’acteur George Clooney, fervent supporter de Barack Obama, a par exemple récolté la coquette somme de 15 millions de dollars lors d’une levée de fonds pour la campagne présidentielle de son candidat -, tout le monde se souvient également de la performance de Marilyn Monroe roucoulant un légendaire "joyeux anniversaire" au président John F. Kennedy, son amant, en 1962...

Plus récemment, Bill Clinton, amateur des paillettes et du septième art, s’est, lui, imposé comme le président des stars durant ses deux mandats, invitant régulièrement des acteurs à sa table.

Aux États-Unis, Hollywood contribue fortement à la représentation du politique avec, parfois, un rôle de précurseur. Ainsi, dès les années 1990, l’image d’un président noir a été banalisée dans certains films, ce qui aurait favorisé l’élection de Barack Obama quelques années plus tard, selon Michel Chandelier, auteur de l'ouvrage "Le président des États-Unis vu par Hollywood (1991-2000)". "À travers des personnages tels que ceux interprétés par l’acteur afro-américain Morgan Freeman dans le film 'Deep impact' [sorti en 1997] ou encore Chris Rock dans la comédie 'Président par accident' [2003], la possibilité d’avoir un président noir a été induite dans l’esprit des spectateurs," commente-t-il.

Patriotisme à toute épreuve

Pour autant, les films américains ne peuvent pas être taxés de soutenir un parti en particulier car ils s’adaptent à la politique du moment, reprend Michel Chandelier. "Une nouvelle présidence amène généralement une lecture différente de l’identité américaine. Dans les années 1980, le républicain Ronald Reagan a largement influencé la réalisation de grosses productions mettant en scène des héros bodybuildés comme la trilogie des 'Rambo' ou la série des 'Rocky' avec Sylvester Stallone. Ces films va-t-en guerre collaient à la notion de force véhiculée par la politique de Reagan". Durant cette période correspondant à la fin de la Guerre froide, le film "Top Gun", qui fut un succès au box-office avec Tom Cruise en tête d’affiche, regorgeait également de messages anti-soviétiques.

De manière générale, l’industrie cinématographique américaine se caractérise par un patriotisme à toute épreuve : "Depuis les années 1970, les États-Unis sont, très souvent, dépeints comme une société d’exception dans leur propre film", observe encore Michel Chandelier.

Loin de la propagande, cette particularité de la culture américaine peut s’expliquer par un rapport privilégié au cinéma. "L’identité américaine s’est construite en partie par la grandeur d’Hollywood, qui a donné un reflet avantageux du pays. C’est typiquement américain", poursuit-il.

À l’approche de la présidentielle de novembre, le blockbuster politique annoncé de cette année 2012, les républicains semblent avoir choisi leur rôle : celui de victimes.

Source : france24

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