La Palme d'or pour Michael Haneke pour le film « AMOUR »

La deuxième Palme pour Michaël Haneke avec Amour. Christian Mungiu à l’honneur également pour Au-delà des collines, ainsi que Ken Loach pour La part des Anges. Américains et Français bredouilles…
Voilà, le verdict est tombé sur une édition cannoise de bonne qualité, mais en dessous par rapport à la cuvée 2011 du point de vue du niveau général d’une sélection qui semble avoir fait le grand écart en faisant cohabiter et se confronter des œuvres très fortes au niveau créatif, avec d’autres dont les ambitions ont semblé beaucoup plus commerciales. Mais c’est sans doute de l’état du cinéma dont le Festival de Cannes se fait le reflet, avec un fossé qui se creuse de plus en plus entre un cinéma dont la créativité est muselée par les lois commerciales et de la rentabilité, et celui au service d’une vraie créativité de propositions artistiques et d’inventivité en même temps que d’un regard sur les individus et la société. C’est le dilemme du Festival cannois qui doit de plus en plus composer avec le Glamour de la montée des marches et maintenir en parallèle une ambition artistique et qualitative. Mais le cinéma a changé, le mariage et la fusion entre les deux propositions du « divertissement » est au rendez-vous. 

Le cinéma américain avait dans le passé trouvé la recette de ce mariage avec des associations stars réalisatrices enfantant des grandes œuvres dont le charme opérait sur le public tout en gardant des ambitions artistiques élevées. Cette ambition attendue était absente dans Killing Them Softly d’Andrew Dominik où le genre, polar mafieux, appelé en référence se retrouve totalement désincarné par une mis en scène ampoulée d’effets et de violence qui finit même par faire oublier le regard décalé sur le cynisme contemporain auquel il fait référence. Décevante également la plongée dans les couloirs de la mort dans le sillage d’une visiteuse de prison amoureuse d’un détenu. Le film de Lee Daniels Paperboy ne trouve pas toujours la distance voulue entre l’ambigüité et le voyeurisme. Plus personnel,  et porté par ses références au cinéma des années 1970, l’auteur du remarquable Take Shelter, Jeff Nichols, qui a le sens du récit et du regard sur les personnages, offre dans Mudd de beaux échos aux rapports humains dans le récit de la rencontre entre un taulard évadé et recherché, et deux jeunes adolescents qui vont s’attacher à lui, et l’aider. Très à l’aise dans son univers déjà bien en place, David Cronenberg dans Cosmopolis, par ses parti-pris de mise en scène, trouve les tonalités adéquates pour décrire le cynisme du capitalisme, au travers du portrait de la journée particulière d’un trader dont la chute inexorable est symbolique de celle d’une économie de marché et du profit qui sombre corps et âme dans l’enfermement de cette limousine dont il devra bien sortir pour affronter la réalité.
Celle -ci est au cœur de la belle comédie sociale de Ken Loach, La Part des Anges, où des jeunes délinquants condamnés a des travaux d’utilité publique vont relever le beau défi d’une arnaque digne de celle des « cols » blancs. Une distillerie de Whysky de cuvée exceptionnelle sera leur cible, dont ils s’attribueront cette « part des anges » du titre, faisant référence à la fuite d’alcool par évaporation, lors de l’ouverture des fûts. Le cinéaste explore avec humour et gravité l’univers des jeunes chômeurs laissés sur le bord de la route mais qui trouvent la force de ne pas renoncer et finissent par leur audace à trouver la parade à l’austérité à laquelle on les condamne.
Dans son adaptation du célèbre roman -culte de Jack Kérouac, Le Brésilien Walter Salles,  On the Road, trouve aussitôt les tonalités adéquates en se référant à la littérature et à un cinéma dans lesquels il s’inscrit. Il révèle la « soif de vivre » et les aspirations dans lesquelles cette jeunesse de l’après seconde guerre mondiale s’est lancée à corps perdu. En même temps qu’un vibrant hymne à cette soif de liberté conquise en rejet, le film suscite en écho une réflexion sur les mouvements contestataires qui lui ont succédé et contribué à changer les mentalités.
Mais les mentalités peuvent également se retrouver confrontées à une mise en perspective et à une approche radicale d’un cinéma où l’expérimental sert de révélateur aux sentiments, aux passions, à la traque des mystères des individus, de la vie, et de la pensée aussi avec ses accents et envolées poétiques, métaphysiques ou mystiques. Le Mexicain Carlos Reygadas et le Français Léos Carax, lui, de retour après 13 ans d’absence, nous y ont conviés. Tous deux ont ému, séduit ou divisé les spectateurs avec leurs envolées lyriques ou parfois leurs digressions osées. Offrant tour à tour l’humour et le décalage ou la cruauté et la surprise, ils ont osé le cinéma sans tabous et sans entraves d’aucune sorte (images déformées, contemplatives ou stylisées et composées à l’extrême...) comme s’il était nécessaire, dans la surabondance des images proposée quotidiennement aux spectateurs, d’en appeler et de provoquer une réflexion sur le rapport à ces images envahissantes, en leur opposant d’autres images révélatrices d’autres univers dont les critères de beauté sont inattendus.

Réf : le-patriote.info

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